Placenta accreta : quand l’ablation utérine devient inévitable - Emeraude

Placenta accreta : quand l’ablation utérine devient inévitable - Emeraude

La vie de famille d’Emeraude semble parfaite et rien ne trahit la période particulièrement difficile qu’elle a traversée durant la première année de sa maternité. Un post-partum affecté par les suites d’un placenta accreta qui malheureusement la mènera à l’ablation inévitable de son utérus. 

“Je suis Emeraude, j'ai 34 ans.  
Je vis dans la métropole Lilloise et j’ai la chance de faire un métier que j'aime, celui de directrice d'agence social media et formatrice sur les réseaux sociaux.  
Ma famille est composée de mon mari Olivier et notre fille Rose de 2 ans. 

Ah, l'amour à l'ère du numérique, c'est quelque chose ! Olivier et moi, ça fait déjà 8 ans qu'on se connaît. Je l'ai “déniché” sur un site de rencontres. À l'époque, il ne me répond pas car son compte est en veille. Alors je joue les détectives sur Facebook en cherchant un certain Olivier, dans la tranche d'âge indiquée, vétérinaire à Lille... Il y en a 5 qui collent au portrait. J’entreprends donc de les contacter un par un. Finalement, l’Olivier que je cherche me répond au bout de 15 minutes. Rencontre dans le monde réel. C'est une évidence. Entre nous, il y a une petite différence d'âge de 8 ans. Du coup, Olivier a cette furieuse envie d'avoir un enfant, bien plus que moi qui suis occupée à réaliser mes autres ambitions de vie. Je crois fermement que le bonheur peut se trouver autrement que dans la maternité. Être mère ou non, pour moi, les deux chemins peuvent mener au bonheur. Et puis j’ai cette crainte que la venue d'un enfant vienne perturber mes plans. Je tiens à vivre ma parentalité dans un contexte où je me sens pleinement épanouie dans d'autres aspects de ma vie. Pour moi, c'est essentiel de me réaliser d'abord. Mon équilibre et mon bonheur semblent se trouver dans mon boulot et notre couple, surtout qu’Olivier me répète une phrase digne des plus belles déclarations : "Je préfère être avec toi sans enfant qu'avec un enfant sans toi." Ça, c'est de l'amour pur, non ? 

 

“Il paraît qu'il n'y a pas de hasard dans la vie” 

 

Le temps fait son œuvre et mon point de vue change. Pour l'anniversaire d'Olivier, je décide de mettre fin à la prise de pilule. Pour lui, qui se sentait déjà prêt à être père à 18 ans, c'est un moment fabuleux. Il rayonne de bonheur. Et devine, quoi ? Le jour de notre mariage, c'est également le jour de conception de Rose. Il paraît qu'il n'y a pas de hasard dans la vie... 

Ma grossesse se déroule idéalement. Zéro douleur. Mais comme je n’aime pas cet état, je continue à vivre comme si de rien n'était. Je travaille jusqu'au jour où la rupture des eaux se fait en pleine conférence devant mes participants. Conduite en solitaire vers Roubaix pour accoucher dans l'hôpital où j'ai suivi ma préparation à l'accouchement. Finalement, après toutes les méthodes de déclenchement possibles, 17 heures de travail et 2 heures où je suis bloquée à 8 centimètres, le tout en musique, j'accouche par césarienne et en urgence. Et devine quoi ? Rose naît en écoutant "Somebody to Love" de Queen. 

 

“Cet accouchement a été tout sauf banal.” 

 

Pendant la césarienne, les chirurgiens détectent un placenta accreta¹ Là, j'entends : "il faut retrouver tous les bouts de placenta". Je commence à avoir froid et à perdre presque connaissance. On m’informe calmement qu'il faut d'urgence me transférer dans un autre hôpital pour subir une embolisation². En fait, mon placenta a adhéré pour ne pas dire fusionné avec mon utérus. Pour éviter que l'hémorragie se propage (j’ai déjà perdu rapidement 1,5 litre de sang), les chirurgiens font un tamponnement utérin par ballon qui stoppe l'hémorragie et ils laissent volontairement les morceaux restant du placenta qui devront être expulsés naturellement si l’intervention chirurgicale n’est pas possible. Je vois mon bébé 15 minutes, je lui donne son premier biberon et zou ! direction l’hôpital Jeanne de Flandres, à Lille, pour trouver une solution d'urgence. J'ai du mal à réaliser tout ce qui se passe. Être séparée de mon bébé et de mon mari, c'est peut-être la seule option que je n’ai pas envisagée jusqu'alors. À ce moment, une ambulancière me dit : "Pensez à vous. Dans 24 heures, vous retrouvez votre mari et votre bébé. Tout va bien se passer. Vous n'êtes pas en mesure de vous occuper d'eux pour le moment. Il faut reprendre des forces et vous soigner... 24 heures, ça va vite passer. Ce sera encore mieux quand vous les retrouverez." Les bons mots au bon moment. 

Après des examens et un suivi heure par heure, on me dit qu'on ne me rouvrira pas, c'est trop dangereux. Il est préférable d'attendre une sortie du placenta de manière naturelle. Après avoir traversé la métropole lilloise sans antidouleurs et souffert comme jamais, retour au premier hôpital pour des retrouvailles géniales avec mon mari et ma Rose que je découvre véritablement pour la première fois. C'est un moment suspendu, sublime.  

 

“Je comprends vite que mon utérus n’est plus fonctionnel” 

 

Trois mois passent et des douleurs insupportables, bien plus intenses que celles ressenties lors de l'accouchement, me frappent. Fiévreuse, je suis hospitalisée pour la première fois. Il s'avère que les fragments de placenta qui devaient être évacués naturellement sont toujours présents à l'intérieur de mon corps alors que mon col s'est refermé, rendant impossible l’évacuation de ces fragments trop volumineux. Cela va entraîner deux hospitalisations pour des infections, suivies de trois hystéroscopies³ visant à prélever, morceau par morceau, le placenta resté accroché. Malheureusement, après ces opérations, je comprends vite que mon utérus n’est plus fonctionnel et que je ne pourrai plus avoir d'enfant. Il devient impératif de procéder à l'ablation définitive de mon utérus pour éviter des infections récurrentes. Finalement, entre l'accouchement et le retrait définitif de mon utérus, il va s’écouler 1 an. 

Ironiquement, moi qui, il y a à peine deux ans, ne souhaitais pas avoir d'enfant pour me consacrer à ma carrière et restée libre, je me retrouve affectée par l'impossibilité d'en avoir un autre. La vie a parfois un sens de l'humour bien particulier... 

 

“Ma fille vaut 1000 fois tout ce qui s'est déroulé.” 

 

Cette épreuve peut paraître difficile mais si je voulais raconter mon histoire c'est justement pour témoigner de notre équilibre et de notre joie de vivre à 3 aujourd’hui. Nous avons su rapidement qu’il nous serait impossible de vivre une nouvelle grossesse, ce qui nous a permis de profiter particulièrement des premières fois de Rose. J'ai également eu la chance d'avoir été très bien soignée et écoutée par une équipe médicale (hôpital labelisé ami des bébés, ami des parents à Roubaix), extrêmement compétente, très pédagogue, avec une préparation à l'accouchement exceptionnelle, ce qui a grandement aidé à la compréhension et l'acceptation de chaque étape. J'ai bénéficié des meilleurs talents pour m'opérer. Ils ont espéré jusqu'au dernier moment sauver mon utérus et ont su prendre des décisions justes et sérieuses. Grâce à eux, je suis désormais en bonne santé, sans douleurs et le confort de vie revient progressivement. 

Ma perception de la maternité a changé. La maternité n'est pas un accomplissement, ce n'est pas une fin en soi, c'est un vrai renouveau, un état mental. Ce parcours particulier m'a permis de ne pas me plaindre de la situation, d'avancer pour ma fille, de lui faire voir le moins possible la souffrance et les douleurs que je devais endurer pendant cette première année. J'ai changé de regard aussi sur l'hôpital et le corps médical, c'est une équipe incroyable. Cet accouchement mémorable a été vécu très positivement, sans douleur, grâce à une prise en charge incroyable du personnel soignant. Je reste étonnement sereine, confiante, dans une sorte de passivité douce et une fatalité positive. Je n'ai pas d'autre choix que d'accepter. L'acceptation est un long cheminement. Alors si je pouvais revenir en arrière, je vivrais exactement la même chose. Je ne ferais rien de différent, sinon je n'aurais pas eu ma Rosinette. Ma fille vaut 1000 fois tout ce qui s'est déroulé."  

Les tips d’Emeraude

Militer pour l’intérêt d’un congé maternité universel pour toutes, sans conditions ni petits alinéas. 
Prendre soin de soi. 
Oser prendre un arrêt de travail si besoin (si j’avais su à quoi m’attendre, je me serais arrêtée au bout de 5 mois de grossesse au lieu de faire ma warrior jusqu'à 8 mois (j'ai accouché prématurément). 
 

La pensée freestyle d’Emeraude

Mon espoir est que mon histoire résonne auprès d'autres femmes et puisse les guider pour surmonter les défis d'un accouchement pour le moins mouvementé, presque rock'n'roll ! 

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¹ Le placenta accreta signifie qu’il est fermement attaché au muscle utérin. 
² Intervention chirurgicale permettant de boucher un vaisseau, une veine ou une artère.  
³ Une méthode d’exploration de la cavité utérine qui permet de diagnostiquer ou de traiter des pathologies gynécologiques. 

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Si ce témoignage placenta accreta t’a éclairée ou aidée, et que tu aimerais toi aussi nous partager ton histoire pour transmettre, à ton tour, ton expérience de la maternité et ton savoir, écris-nous ! 

 

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